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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

et politique d’une nation est toujours en rapport avec la nature et la composition de ses armées.

Enfin la classe inférieure réussit à avoir, elle aussi, sa religion. Ces hommes avaient dans le cœur, on peut le supposer, ce sentiment religieux qui est inséparable de notre nature et qui nous fait un besoin de l’adoration et de la prière. Ils souffraient donc de se voir écarter de la religion par l’antique principe qui prescrivait que chaque dieu appartînt à une famille et que le droit de prier ne se transmît qu’avec le sang. Ils travaillèrent à avoir aussi un culte.

Il est impossible d’entrer ici dans le détail des efforts qu’ils firent, des moyens qu’ils imaginèrent, des difficultés ou des ressources qui se présentèrent à eux. Ce travail, longtemps individuel, fut longtemps le secret de chaque intelligence ; nous n’en pouvons apercevoir que les résultats. Tantôt une famille plébéienne se fit un foyer, soit qu’elle eût osé l’allumer elle-même, soit qu’elle se fût procuré ailleurs le feu sacré ; alors elle eut son culte, son sanctuaire, sa divinité protectrice, son sacerdoce, à l’image de la famille patricienne. Tantôt le plébéien, sans avoir de culte domestique, eut accès aux temples de la cité ; à Rome, ceux qui n’avaient pas de foyer, par conséquent pas de fête domestique, offraient leur sacrifice annuel au dieu Quirinus[1]. Quand la classe supérieure persistait à écarter de ses temples la classe inférieure, celle-ci se faisait des temples pour elle ; à Rome elle en avait un sur l’Aventin, qui était consacré à Diana ; elle avait le temple de la pudeur plébéienne. Les cultes orientaux qui, à partir du sixième siècle, envahirent la

  1. Varron, L. L., VI, 13.