Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

Citons quelques exemples. À Corinthe, « le peuple supportait avec peine la domination des Bacchides ; Cypsélus, témoin de la haine qu’on leur portait et voyant que le peuple cherchait un chef pour le conduire à l’affranchissement, » s’offrit à être ce chef ; le peuple l’accepta, le fit tyran, chassa les Bacchides et obéit à Cypsélus. Milet eut pour tyran un certain Thrasybule ; Mitylène obéit à Pittacus, Samos à Polycrate. Nous trouvons des tyrans à Argos, à Épidaure, à Mégare au sixième siècle ; Sicyone en a eu durant cent trente ans sans interruption. Parmi les Grecs d’Italie, on voit des tyrans à Cumes, à Crotone, à Sybaris, partout. À Syracuse, en 485, la classe inférieure se rendit maîtresse de la ville et chassa la classe aristocratique ; mais elle ne put ni se maintenir ni se gouverner, et au bout d’une année elle dut se donner un tyran[1].

Partout ces tyrans, avec plus ou moins de violence, avaient la même politique. Un tyran de Corinthe demandait un jour à un tyran de Milet des conseils sur le gouvernement. Celui-ci pour toute réponse coupa les épis de blé qui dépassaient les autres. Ainsi leur règle de conduite était d’abattre les hautes têtes et de frapper l’aristocratie en s’appuyant sur le peuple.

La plèbe romaine forma d’abord des complots pour rétablir Tarquin. Elle essaya ensuite de faire des tyrans et jeta les yeux tour à tour sur Publicola, sur Spurius Cassius, sur Manlius. L’accusation que le patriciat adresse si souvent à ceux des siens qui se rendent populaires, ne doit pas être une pure calomnie. La crainte des grands atteste les désirs de la plèbe.

  1. Nicolas de Damas, Fragm. Aristote, Pol., V, 9. Thucyd., I, 126. Diodore, IV, 5.