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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

patron se trouva fort amoindrie et ce qu’il lui en resta fut de jour en jour plus contesté. Dès que le client eut goûté à l’indépendance, il la voulut tout entière. Il aspira à se détacher de la gens et à entrer dans la plèbe, où l’on était libre. Que d’occasions se présentaient ! Sous les rois, il était sûr d’être aidé par eux, car ils ne demandaient pas mieux que d’affaiblir les gentes. Sous la république, il trouvait la protection de la plèbe elle-même et des tribuns. Beaucoup de clients s’affranchirent ainsi et la gens ne put pas les ressaisir.

Les Marcellus paraissent être une branche ainsi détachée de la gens Claudia ; leur nom était Claudius ; mais ils n’étaient pas patriciens. Libres de bonne heure, enrichis pas des moyens qui nous sont inconnus, ils s’élevèrent d’abord aux dignités de la plèbe, plus tard à celles de la cité. Pendant plusieurs siècles, la gens Claudia parut avoir oublié ses anciens droits sur eux. Un jour pourtant, au temps de Cicéron, elle s’en souvint inopinément. Un affranchi ou client des Marcellus était mort et laissait un héritage qui devait faire retour au patron. Les Claudius patriciens prétendirent que les Marcellus, en clients qu’ils étaient, ne pouvaient pas avoir eux-mêmes de clients, et que leurs affranchis devaient tomber, eux et leur héritage, dans les mains du chef de la gens patricienne, seul capable d’exercer le patronage. Ce procès étonna fort le public et embarrassa les jurisconsultes ; Cicéron trouva la question fort obscure[1]. Elle ne l’aurait pas été quatre siècles plus tôt et les Claudius auraient gagné leur cause. Mais au temps de Cicéron, le droit sur lequel ils fondaient leur réclamation était si

  1. Cic., De oratore, I, 39.