Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
343
CH. VI. LES CLIENTS S’AFFRANCHISSENT.

Plutarque plutôt que de Plutarque lui-même, que l’emprunteur engageait sa terre. Mais en supposant que cette terre fût sa propriété, il n’aurait pas pu l’engager ; car le système des hypothèques n’était pas encore connu en ce temps-là et était en contradiction avec la nature du droit de propriété. Dans ces débiteurs dont Plutarque nous parle, il faut voir les anciens clients ; dans leurs dettes, la redevance annuelle qu’ils doivent payer aux anciens maîtres ; dans la servitude où ils tombent, s’ils ne paient pas, l’ancienne clientèle qui les ressaisit.

Solon supprima peut-être la redevance, ou, plus probablement, en réduisit le chiffre à un taux tel que le rachat en devînt facile ; il ajouta qu’à l’avenir le manque de paiement ne ferait pas retomber le laboureur en servitude.

Il fit plus. Avant lui, ces anciens clients, devenus possesseurs du sol, ne pouvaient pas en devenir propriétaires ; car sur leur champ se dressait toujours la borne sacrée et inviolable de l’ancien patron. Pour l’affranchissement de la terre et du cultivateur, il fallait que cette borne disparût. Solon la renversa : nous trouvons le témoignage de cette grande réforme dans quelques vers de Solon lui-même : « C’était une œuvre inespérée, dit-il ; je l’ai accomplie avec l’aide des dieux. J’en atteste la déesse Mère, la Terre noire, dont j’ai en maints endroits arraché les bornes, la terre qui était esclave et qui maintenant est libre. » En faisant cela, Solon avait accompli une révolution considérable. Il avait mis de côté l’ancienne religion de la propriété qui, au nom du dieu Terme immobile, retenait la terre en un petit nombre de mains. Il avait arraché la terre à la religion pour la donner au travail. Il avait supprimé, avec