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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

encore sa propriété. Car ce client n’avait pas en lui le caractère sacré qui faisait que le sol pouvait devenir la propriété d’un homme. Le lot qu’il occupait, continuait à porter la borne sainte, le dieu Terme que la famille du maître avait autrefois posé. Cette borne inviolable attestait que le champ, uni à la famille du maître par un lien sacré, ne pourrait jamais appartenir en propre au client affranchi. En Italie, le champ et la maison qu’occupait le villicus, client du patron, renfermait un foyer, un Lar familiaris ; mais ce foyer n’était pas au cultivateur ; c’était le foyer du maître[1]. Cela établissait à la fois le droit de propriété du patron et la subordination religieuse du client, qui, si loin qu’il fût du patron, suivait encore son culte.

Le client, devenu possesseur, souffrit de ne pas être propriétaire et aspira à le devenir. Il mit son ambition à faire disparaître de ce champ, qui semblait bien à lui par le droit du travail, la borne sacrée qui en faisait à jamais la propriété de l’ancien maître.

On voit clairement qu’en Grèce les clients arrivèrent à leur but ; par quels moyens, on l’ignore. Combien il leur fallut de temps et d’efforts pour y parvenir, on ne peut que le deviner. Peut-être s’est-il opéré dans l’antiquité la même série de changements sociaux que l’Europe a vus se produire au moyen âge, quand les esclaves des campagnes devinrent serfs de la glèbe, que ceux-ci de serfs taillables à merci se changèrent en serfs abonnés, et qu’enfin ils se transformèrent à la longue en paysans propriétaires.

  1. Caton, De re rust., 143. Columèle, XI, 1, 19.