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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

avait d’elle, ce que la même classe conquit par les armes à Héraclée, à Cnide et à Marseille.

Le droit d’aînesse disparut donc partout : révolution considérable qui commença à transformer la société. La gens italienne et le γένος hellénique perdirent leur unité primitive. Les différentes branches se séparèrent ; chacune d’elles eut désormais sa part de propriété, son domicile, ses intérêts à part, son indépendance. Singuli singulas familias incipiunt habere, dit le jurisconsulte. Il y a dans la langue latine une vieille expression qui paraît dater de cette époque : familiam ducere, disait-on de celui qui se détachait de la gens et allait faire souche à part, comme on disait ducere coloniam de celui qui quittait la métropole et allait au loin fonder une colonie. Le frère qui s’était ainsi séparé du frère aîné, avait désormais son foyer propre, qu’il avait sans doute allumé au foyer commun de la gens, comme la colonie allumait le sien au prytanée de la métropole. La gens ne conserva plus qu’une sorte d’autorité religieuse à l’égard des différentes familles qui s’étaient détachées d’elle. Son culte eut la suprématie sur leurs cultes. Il ne leur fut pas permis d’oublier qu’elles étaient issues de cette gens ; elles continuèrent à porter son nom ; à des jours fixés, elles se réunirent autour du foyer commun, pour vénérer l’antique ancêtre ou la divinité protectrice. Elles continuèrent même à avoir un chef religieux et il est probable que l’aîné conserva son privilége pour le sacerdoce, qui resta longtemps héréditaire. À cela près, elles furent indépendantes.

Ce démembrement de la gens eut de graves conséquences. L’antique famille sacerdotale, qui avait formé un groupe si bien uni, si fortement constitué, si puis-