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CH. V. LA GENS SE DÉMEMBRE.

suite d’une insurrection. À Héraclée, à Cnide, à Istros, à Marseille, les branches cadettes prirent les armes pour détruire à la fois l’autorité paternelle et le privilége de l’aîné[1]. À partir de ce moment, telle cité grecque qui n’avait compté jusque-là qu’une centaine d’hommes jouissant des droits politiques, en put compter jusqu’à cinq ou six cents. Tous les membres des familles aristocratiques furent citoyens et l’accès des magistratures et du Sénat leur fut ouvert.

Il n’est pas possible de dire à quelle époque le privilége de l’aîné a disparu à Rome. Il est probable que les rois, au milieu de leur lutte contre l’aristocratie, firent ce qu’ils purent pour le supprimer et pour désorganiser ainsi les gentes. Au début de la république, nous voyons cent nouveaux membres entrer dans le Sénat ; Tite-Live croit qu’ils sortaient de la plèbe, mais il n’est pas possible que la domination si dure du patriciat ait commencé par une concession de cette nature. Ces nouveaux sénateurs durent être tirés des familles patriciennes. Ils n’eurent pas le même titre que les anciens membres du Sénat ; on appelait ceux-ci patres (chefs de famille) ; ceux-là furent appelés conscripti (choisis[2]). Cette différence de dénomination ne permet-elle pas de croire que les cent nouveaux sénateurs, qui n’étaient pas chefs de famille, appartenaient à des branches cadettes des gentes patriciennes ? On peut supposer que cette classe des branches cadettes, nombreuse et énergique, n’apporta son concours à l’entreprise de Brutus et des pères qu’à la condition qu’on lui donnerait les droits civils et politiques. Elle acquit ainsi, à la faveur du besoin qu’on

  1. Aristote, Pol., VIII, 5, 2, édit. B. Saint-Hilaire.
  2. Festus, vo conscripti, allecti. Plutarque, Quest. romaines, 58.