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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

famille s’affaiblit insensiblement. Le droit d’aînesse, qui était la condition de son unité, disparut. On ne doit sans doute pas s’attendre à ce qu’aucun écrivain de l’antiquité nous fournisse la date exacte de ce grand changement. Il est probable qu’il n’a pas eu de date, parce qu’il ne s’est pas accompli en une année. Il s’est fait à la longue, d’abord dans une famille, puis dans une autre, et peu à peu dans toutes. Il s’est achevé sans qu’en s’en fût pour ainsi dire aperçu.

On peut bien croire aussi que les hommes ne passèrent pas d’un seul bond de l’indivisibilité du patrimoine au partage égal entre les frères. Il y eut vraisemblablement entre ces deux régimes une transition. Les choses se passèrent peut-être en Grèce et en Italie comme dans l’ancienne société hindoue, où la loi religieuse, après avoir prescrit l’indivisibilité du patrimoine, laissa le père libre d’en donner quelque portion à ses fils cadets, puis, après avoir exigé que l’aîné eût au moins une part double, permit que le partage fût fait également, et finit même par le recommander.

Mais sur tout cela nous n’avons aucune indication précise. Un seul point est certain, c’est que le droit d’aînesse a existé à une époque ancienne et qu’ensuite il a disparu.

Ce changement ne s’est pas accompli en même temps ni de la même manière dans toutes les cités. Dans quelques-unes, la législation le maintint assez longtemps. À Thèbes et à Corinthe il était encore en vigueur au huitième siècle. À Athènes la législation de Solon marquait encore une certaine préférence à l’égard de l’aîné. À Sparte le droit d’aînesse a subsisté jusqu’au triomphe de la démocratie. Il y a des villes où il n’a disparu qu’à la