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LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

Il n’était pas permis d’alimenter ce feu avec toute sorte de bois ; la religion distinguait, parmi les arbres, les espèces qui pouvaient être employées à cet usage et celles dont il y avait impiété à se servir[1]. La religion disait encore que ce feu devait rester toujours pur[2] ; ce qui signifiait, au sens littéral, qu’aucun objet sale ne devait être jeté dans ce feu, et au sens figuré, qu’aucune action coupable ne devait être commise en sa présence. Il y avait un jour de l’année, qui était chez les Romains le 1er  mars, où chaque famille devait éteindre son feu sacré et en rallumer un autre aussitôt. Mais pour se procurer le feu nouveau, il y avait des rites qu’il fallait scrupuleusement observer. On devait surtout se garder de se servir d’un caillou et de le frapper avec le fer. Les seuls procédés qui fussent permis, étaient de concentrer sur un point la chaleur des rayons solaires ou de frotter rapidement deux morceaux de bois d’une espèce déterminée et d’en faire sortir l’étincelle[3]. Ces différentes règles prouvent assez que, dans l’opinion des anciens, il ne s’agissait pas seulement de produire ou de conserver un élément utile et agréable ; ces hommes voyaient autre chose dans le feu qui brûlait sur leurs autels.

Ce feu était quelque chose de divin ; on l’adorait, on lui rendait un véritable culte. On lui donnait en offrande tout ce qu’on croyait pouvoir être agréable à un dieu, des fleurs, des fruits, de l’encens, du vin, des victimes. On réclamait sa protection ; on le croyait puissant. On lui adressait de ferventes prières pour obtenir de lui ces éternels objets des désirs humains, santé, richesse, bon-

  1. Virgile, VII, 71. Festus, v. Felicis. Plutarq., Numa, 9.
  2. Euripide, Hercul. fur., 715. Caton, De re rust., 143. Ovide, Fast., III, 698.
  3. Ovide, Fast., III, 143. Macrobe, Sat., I, 12. Festus, felicis. Julien, Orais. à la louange du soleil.