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CH. III. ABOLITION DE LA ROYAUTÉ.

prononcent la déposition de Tarquin et la création de deux consuls.

Ce point principal décidé, on laisse le soin de nommer les consuls à l’assemblée par centuries. Mais cette assemblée, où les plébéiens votent, ne va-t-elle pas protester contre ce que les patriciens ont fait dans le Sénat et dans les curies ? Elle ne le peut pas. Car toute assemblée romaine est présidée par un magistrat qui désigne l’objet du vote, et nul ne peut mettre en délibération un autre objet. Il y a plus : nul autre que le président, à cette époque, n’a le droit de parler. S’agit-il d’une loi ? Les centuries ne peuvent voter que par oui ou par non. S’agit-il d’une élection ? Le président présente des candidats, et nul ne peut voter que pour les candidats présentés. Dans le cas actuel, le président désigné par le Sénat est Lucrétius, l’un des conjurés. Il indique comme unique sujet de vote l’élection de deux consuls. Il présente deux noms aux suffrages des centuries, ceux de Junius et de Tarquin Collatin. Il n’est pas besoin d’ajouter qu’ils sont élus. Puis le Sénat ratifie l’élection, et enfin les augures la confirment au nom des dieux.

Cette révolution ne plut pas à tout le monde dans Rome. Beaucoup de plébéiens rejoignirent le roi et s’attachèrent à sa fortune. En revanche, un riche patricien de la Sabine, le chef puissant d’une gens nombreuse, le fier Attus Clausus trouva le nouveau gouvernement si conforme à ses vues qu’il vint s’établir à Rome.

Du reste la royauté politique fut seule supprimée ; la royauté religieuse était sainte et devait durer. Aussi se hâta-t-on de nommer un roi, mais qui ne fut roi que pour les sacrifices, rex sacrorum. On prit toutes les précautions imaginables pour que ce roi-prêtre n’abusât ja-