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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

rege dominus exstitit. Il fait autant de mal qu’il peut au patriciat ; il abat les hautes têtes ; il règne sans consulter les Pères, fait la guerre et la paix sans leur demander leur approbation. Le patriciat semble décidément vaincu.

Enfin une occasion se présente. Tarquin est loin de Rome ; non-seulement lui, mais l’armée, c’est-à-dire ce qui le soutient. La ville est momentanément entre les mains du patriciat. Le préfet de la ville, c’est-à-dire celui qui a le pouvoir civil en l’absence du roi, est un patricien, Lucrétius. Le chef de la cavalerie, c’est-à-dire celui qui a l’autorité militaire après le roi, est un patricien, Junius[1]. Ces deux hommes préparent l’insurrection. Ils ont pour associés d’autres patriciens, un Valérius, un Tarquin Collatin. Le lieu de réunion n’est pas Rome, c’est la petite ville de Collatie, qui appartient en propre à l’un des conjurés. Là, ils montrent au peuple le cadavre d’une femme ; ils disent que cette femme s’est tuée elle-même, se punissant du crime d’un fils du roi. Le peuple de Collatie se soulève ; on se porte à Rome ; on y renouvelle la même scène. Les esprits sont troublés, les partisans du roi déconcertés ; et d’ailleurs, dans ce moment même, le pouvoir légal dans Rome appartient à Junius et à Lucrétius.

Les conjurés se gardent d’assembler le peuple ; ils se rendent au Sénat. Le Sénat prononce que Tarquin est déchu et la royauté abolie. Mais le décret du Sénat doit être confirmé par la cité. Lucrétius, à titre de préfet de la ville, a le droit de convoquer l’assemblée. Les curies se réunissent ; elles pensent comme les conjurés ; elles

  1. La famille Junia était patricienne. Denys, IV, 68.