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CH. III. LE FEU SACRÉ.

à la vue de la mort que l’homme a eu pour la première fois l’idée du surnaturel et qu’il a voulu espérer au delà de ce qu’il voyait. La mort fut le premier mystère ; elle mit l’homme sur la voie des autres mystères. Elle éleva sa pensée du visible à l’invisible, du passager à l’éternel, de l’humain au divin.


CHAPITRE III.

LE FEU SACRÉ.

La maison d’un Grec ou d’un Romain renfermait un autel ; sur cet autel il devait y avoir toujours un peu de cendre et des charbons allumés[1]. C’était une obligation sacrée pour le maître de chaque maison d’entretenir le feu jour et nuit. Malheur à la maison où il venait à s’éteindre ! Chaque soir on couvrait les charbons de cendre pour les empêcher de se consumer entièrement ; au réveil le premier soin était de raviver ce feu et de l’alimenter avec quelques branchages. Le feu ne cessait de briller sur l’autel que lorsque la famille avait péri tout entière ; foyer éteint, famille éteinte, étaient des expressions synonymes chez les anciens[2].

Il est manifeste que cet usage d’entretenir toujours du feu sur un autel se rapportait à une antique croyance. Les règles et les rites que l’on observait à cet égard, montrent que ce n’était pas là une coutume insignifiante.

  1. Les Grecs appelaient cet autel de noms divers, βωμὸς, ἐσχάρα, ἑστία ; ce dernier finit par prévaloir dans l’usage et fut le mot dont on désigna ensuite la déesse Vesta. Les Latins appelaient le même autel ara ou focus.
  2. Hymnes homér., XXIX. Hymnes orph., LXXXIV. Hésiode, Opera, 732. Eschyle, Agam., 1056. Euripide, Hercul. fur., 503, 599. Thucyd., I, 136. Aristoph., Plut., 795. Caton, De re rust., 143. Cic., Pro domo, 40. Tibulle, I, 1, 4. Horace, Epod., II, 43. Ovide, A. A., I, 637. Virgile, En., II, 512.