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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

La mort de Codrus coïncide avec la victoire définitive des eupatrides. Ils ne supprimèrent pas encore la royauté ; car leur religion le leur défendait ; mais ils lui ôtèrent sa puissance politique. Le voyageur Pausanias qui était fort postérieur à ces événements, mais qui consultait avec soin les traditions, dit que la royauté perdit alors une grande partie de ses attributions et « devint dépendante ; » ce qui signifie sans doute qu’elle fut dès lors subordonnée au Sénat des eupatrides. Les historiens modernes appellent cette période de l’histoire d’Athènes l’archontat, et ils ne manquent guère de dire que la royauté fut alors abolie. Cela n’est pas entièrement vrai. Les descendants de Codrus se succédèrent de père en fils pendant treize générations. Ils avaient le titre d’archonte ; mais il y a des documents anciens qui leur donnent aussi celui de roi[1] et nous avons dit plus haut que ces deux titres étaient exactement synonymes. Athènes, pendant cette longue période, avait donc encore des rois héréditaires ; mais elle leur avait enlevé leur puissance et ne leur avait laissé que leurs fonctions religieuses. C’est ce qu’on avait fait à Sparte.

Au bout de trois siècles, les eupatrides trouvèrent cette royauté religieuse plus forte encore qu’ils ne voulaient, et ils l’affaiblirent. On décida que le même homme ne serait plus revêtu de cette haute dignité sacerdotale que pendant dix ans. Du reste on continua de croire que l’ancienne famille royale était seule apte à remplir les fonctions d’archonte[2].

Quarante ans environ se passèrent ainsi. Mais un jour la famille royale se souilla d’un crime. On allégua qu’elle

  1. Voyez les Marbres de Paros.
  2. Pausanias, IV, 3.