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CH. II. LES PLÉBÉIENS.

dans leurs dix premières tables, avaient oublié d’interdire le mariage entre les deux ordres ; c’est que ces premiers décemvirs étaient tous patriciens et qu’il ne vint à l’esprit d’aucun d’eux qu’un tel mariage fût possible.

On voit combien de classes, dans l’âge primitif des cités, étaient superposées l’une à l’autre. En tête était l’aristocratie des chefs de la famille, ceux que la langue officielle de Rome appelait patres, que les clients appelaient reges, que l’Odyssée nomme βασιλεῖς ou ἄνακτες. Au-dessous étaient les branches cadettes des familles ; au-dessous encore, les clients ; puis plus bas, bien plus bas, la plèbe.

C’est de la religion que cette distinction des classes était venue. Car au temps où les ancêtres des Grecs, des Italiens et des Hindous vivaient encore ensemble dans l’Asie centrale, la religion avait dit : « L’aîné fera la prière. » De là était venue la prééminence de l’aîné en toutes choses ; la branche aînée dans chaque famille avait été la branche sacerdotale et maîtresse. La religion comptait néanmoins pour beaucoup les branches cadettes, qui étaient comme une réserve pour remplacer un jour la branche aînée éteinte et sauver le culte. Elle comptait encore pour quelque chose le client, même l’esclave, parce qu’ils assistaient aux actes religieux. Mais le plébéien, qui n’avait aucune part au culte, elle ne le comptait absolument pour rien. Les rangs avaient été ainsi fixés.

Mais aucune des formes sociales que l’homme imagine et établit, n’est immuable. Celle-ci portait en elle un germe de maladie et de mort ; c’était cette inégalité trop grande. Beaucoup d’hommes avaient intérêt à détruire