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CH. II. LES PLÉBÉIENS.

dieux, d’arrêter une doctrine, d’instituer un culte, d’inventer l’hymne et le rhythme de la prière. Ces familles se trouvèrent naturellement dans un état d’infériorité vis-à-vis de celles qui avaient une religion et ne purent pas s’unir en société avec elles ; elles n’entrèrent ni dans les curies ni dans la cité. Même dans la suite il arriva que des familles qui avaient un culte, le perdirent, soit par négligence et oubli des rites, soit après une de ces fautes qui interdisaient à l’homme d’approcher de son foyer et de continuer son culte. Il a dû arriver aussi que des clients, coupables ou mal traités, aient quitté la famille et renoncé à sa religion ; le fils qui était né d’un mariage sans rites, était réputé bâtard, comme celui qui naissait de l’adultère, et la religion de la famille n’existait pas pour lui. Tous ces hommes, exclus des familles et mis en dehors du culte, tombaient dans la classe des hommes sans foyer, c’est-à-dire dans la plèbe.

On trouve cette classe à côté de presque toutes les cités anciennes, mais séparée par une ligne de démarcation. À l’origine, une ville grecque est double : il y a la ville proprement dite, πόλις, qui s’élève ordinairement sur le sommet d’une colline ; elle a été bâtie avec des rites religieux et elle renferme le sanctuaire des dieux nationaux. Au pied de la colline on trouve une agglomération de maisons, qui ont été bâties sans cérémonies religieuses, sans enceinte sacrée ; c’est le domicile de la plèbe, qui ne peut pas habiter dans la ville sainte.

À Rome, la différence entre les deux populations est frappante. La ville des patriciens et de leurs clients est celle que Romulus a fondée suivant les rites sur le plateau du Palatin. Le domicile de la plèbe est l’asile, es-