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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

payer pour lui l’amende, qu’il doit fournir sa rançon ou contribuer aux frais de ses magistratures.

La distinction est plus manifeste encore dans la religion. Le descendant d’un pater peut seul accomplir les cérémonies du culte de la famille. Le client y assiste ; on fait pour lui le sacrifice, mais il ne le fait pas lui-même. Entre lui et la divinité domestique il y a toujours un intermédiaire. Il ne peut pas même remplacer la famille absente. Que cette famille vienne à s’éteindre, les clients ne continuent pas le culte ; ils se dispersent. Car la religion n’est pas leur patrimoine ; elle n’est pas de leur sang, elle ne leur vient pas de leurs propres ancêtres. C’est une religion d’emprunt ; ils en ont la jouissance, non la propriété.

Rappelons-nous que d’après les idées des anciennes générations le droit d’avoir un dieu et de prier était héréditaire. La tradition sainte, les rites, les paroles sacramentelles, les formules puissantes qui déterminaient les dieux à agir, tout cela ne se transmettait qu’avec le sang. Il était donc bien naturel que, dans chacune de ces antiques familles, la partie libre et ingénue qui descendait réellement de l’ancêtre premier, fût seule en possession du caractère sacerdotal. Les patriciens ou eupatrides avaient le privilége d’être prêtres et d’avoir une religion qui leur appartînt en propre.

Ainsi, avant même qu’on fût sorti de l’état de famille, il existait déjà une distinction de classes ; la vieille religion domestique avait établi des rangs. Lorsque ensuite la cité se forma, rien ne fut changé à la constitution intérieure de la famille. Nous avons même montré que la cité, à l’origine, ne fut pas une association d’individus, mais une confédération de tribus, de curies et de familles,