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LIVRE III. LA CITÉ.

des dieux romains. Il gravit la pente du Capitole, et arrivé devant le temple de Jupiter, il immole des victimes.

La peur des dieux n’était pas un sentiment propre au Romain ; elle régnait aussi bien dans le cœur d’un Grec. Ces peuples, constitués à l’origine par la religion, nourris et élevés par elle, conservèrent très-longtemps la marque de leur éducation première. On connaît les scrupules du Spartiate, qui ne commence jamais une expédition avant que la lune soit dans son plein, qui immole sans cesse des victimes pour savoir s’il doit combattre et qui renonce aux entreprises les mieux conçues et les plus nécessaires parce qu’un mauvais présage l’effraie. L’Athénien n’est pas moins scrupuleux. Une armée athénienne n’entre jamais en campagne avant le septième jour du mois, et, quand une flotte va prendre la mer, on a grand soin de redorer la statue de Pallas.

Xénophon assure que les Athéniens ont plus de fêtes religieuses qu’aucun autre peuple grec[1]. « Que de victimes offertes aux dieux, dit Aristophane[2], que de temples ! que de statues ! que de processions sacrées ! À tout moment de l’année on voit des festins religieux et des victimes couronnées. » La ville d’Athènes et son territoire sont couverts de temples et de chapelles ; il y en a pour le culte de la cité, pour le culte des tribus et des dèmes, pour le culte des familles. Chaque maison est elle-même un temple et dans chaque champ il y a un tombeau sacré.

L’Athénien qu’on se figure si inconstant, si capricieux, si libre penseur, a au contraire un singulier res-

  1. Xénophon, Gouv. d’Ath., III, 2.
  2. Aristoph., Nuées.