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CH. XV. LE DROIT DES GENS.

C’est en vertu de ce droit de la guerre que Rome a étendu la solitude autour d’elle ; du territoire où les Volsques avaient vingt-trois cités, elle a fait les marais pontins ; les cinquante-trois villes du Latium ont disparu ; dans le Samnium on put longtemps reconnaître les lieux où les armées romaines avaient passé, moins aux vestiges de leurs camps, qu’à la solitude qui régnait aux environs.

Quand le vainqueur n’exterminait pas les vaincus, il avait le droit de supprimer leur cité, c’est-à-dire de briser leur association religieuse et politique. Alors les cultes cessaient et les dieux étaient oubliés. La religion de la cité étant abattue, la religion de chaque famille disparaissait en même temps. Les foyers s’éteignaient. Avec le culte tombaient les lois, le droit civil, la famille, la propriété, tout ce qui s’étayait sur la religion[1]. Écoutons le vaincu à qui l’on fait grâce de la vie ; on lui fait prononcer la formule suivante : « Je donne ma personne, ma ville, ma terre, l’eau qui y coule, mes dieux termes, mes temples, mes objets mobiliers, toutes les choses qui appartiennent aux dieux, je les donne au peuple romain[2]. » À partir de ce moment, les dieux, les temples, les maisons, les terres, les personnes étaient au vainqueur. Nous dirons plus loin ce que tout cela devenait sous la domination de Rome.

Quand la guerre ne finissait pas par l’extermination ou l’assujettissement de l’un des deux partis, un traité de paix pouvait la terminer. Mais pour cela il ne suffisait pas d’une convention, d’une parole donnée ; il fallait un acte religieux. Tout traité était marqué par l’immolation

  1. Cic., in Verr., II, 3, 6. Siculus Flaccus, passim. Thucydide, III, 50 et 68.
  2. Tite-Live, I, 38. Plaute, Amphitr., 100-105.