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LIVRE III. LA CITÉ.

férence des cultes et la haine des dieux nationaux pour l’étranger.

Pour ce motif les anciens n’ont jamais pu établir ni même concevoir aucune autre organisation sociale que la cité. Ni les Grecs, ni les Italiens, ni les Romains même pendant fort longtemps n’ont eu la pensée que plusieurs villes pussent s’unir et vivre à titre égal sous un même gouvernement. Entre deux cités il pouvait bien y avoir alliance, association momentanée en vue d’un profit à faire ou d’un danger à repousser ; mais il n’y avait jamais union complète. Car la religion faisait de chaque ville un corps qui ne pouvait s’agréger à aucun autre. L’isolement était la loi de la cité.

Avec les croyances et les usages religieux que nous avons vus, comment plusieurs villes auraient-elles pu former un même État ? On ne comprenait l’association humaine et elle ne paraissait régulière qu’autant qu’elle était fondée sur la religion. Le symbole de cette association devait être un repas sacré fait en commun. Quelques milliers de citoyens pouvaient bien, à la rigueur, se réunir autour d’un même prytanée, réciter la même prière et se partager les mets sacrés. Mais essayez donc, avec ces usages, de faire un seul État de la Grèce entière ! Comment fera-t-on les repas publics et toutes les cérémonies saintes auxquelles tout citoyen est tenu d’assister ? Où sera le prytanée ? Comment fera-t-on la lustration annuelle des citoyens ? Que deviendront les limites inviolables qui ont marqué à l’origine le territoire de la cité et qui l’ont séparé pour toujours du reste du sol ? Que deviendront tous les cultes locaux, les divinités poliades, les héros qui habitent chaque canton ? Athènes a sur ses terres le héros Édipe, ennemi de Thèbes ; com-