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CH. XIV. DE L’ESPRIT MUNICIPAL.

époux et père[1]. Ses fils n’étaient plus en sa puissance[2] ; sa femme n’était plus sa femme[3], et elle pouvait immédiatement prendre un autre époux. Voyez Régulus : prisonnier de l’ennemi, la loi romaine l’assimile à un exilé ; si le Sénat lui demande son avis, il refuse de le donner, parce que l’exilé n’est plus sénateur ; si sa femme et ses enfants courent à lui, il repousse leurs embrassements, car pour l’exilé il n’y a plus d’enfants, plus d’épouse :

Fertur pudicæ conjugis osculum
Parvosque natos, ut capitis minor,
A se removisse[4].

« L’exilé, dit Xénophon, perd foyer, liberté, patrie, femme, enfants. » Mort, il n’a pas le droit d’être enseveli dans le tombeau de sa famille ; car il est un étranger[5].

Il n’est pas surprenant que les républiques anciennes aient presque toujours permis au coupable d’échapper à la mort par la fuite. L’exil ne semblait pas un supplice plus doux que la mort. Les jurisconsultes romains l’appelaient une peine capitale.


CHAPITRE XIV.

DE L’ESPRIT MUNICIPAL.

Ce que nous avons vu jusqu’ici des anciennes institutions et surtout des anciennes croyances a pu nous donner une idée de la distinction profonde qu’il y avait toujours entre deux cités. Si voisines qu’elles fussent, elles formaient toujours deux sociétés complétement séparées. Entre elles il y avait bien plus que la distance qui sé-

  1. Institutes, I, 12.
  2. Gaius, I, 128.
  3. Denys, VIII, 41.
  4. Horace, Odes, III.
  5. Thucydide, I, 138.