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LIVRE III. LA CITÉ.

pendant de longues années, sans qu’on conçût la possibilité d’établir un lien de droit entre eux. Le droit n’était qu’une des faces de la religion. Pas de religion commune, pas de loi commune.


CHAPITRE XII.

LE CITOYEN ET L’ÉTRANGER.

On reconnaissait le citoyen à ce qu’il avait part au culte de la cité, et c’était de cette participation que lui venaient tous ses droits civils et politiques. Renonçait-on au culte, on renonçait aux droits. Nous avons parlé plus haut des repas publics, qui étaient la principale cérémonie du culte national. Or à Sparte celui qui n’y assistait pas, même sans que ce fût par sa faute, cessait aussitôt de compter parmi les citoyens[1]. À Athènes, celui qui ne prenait pas part à la fête des dieux nationaux, perdait le droit de cité[2]. À Rome, il fallait avoir été présent à la cérémonie sainte de la lustration pour jouir des droits politiques[3]. L’homme qui n’y avait pas assisté, c’est-à-dire qui n’avait pas eu part à la prière commune et au sacrifice, n’était plus citoyen jusqu’au lustre suivant.

Si l’on veut donner la définition exacte du citoyen, il faut dire que c’est l’homme qui a la religion de la cité[4]. L’étranger au contraire est celui qui n’a pas accès au

  1. Aristote, Pol., II, 6, 21 (II, 7).
  2. Bœckh, Corp. inscr., 3641 b.
  3. Velléius, II, 15. On admit une exception pour les soldats en campagne ; encore fallut-il que le censeur envoyât prendre leurs noms, afin qu’inscrits sur le registre de la cérémonie, ils y fussent considérés comme présents.
  4. Démosth., in Neœram, 113, 114. Être citoyen se disait en grec συντελεῖν, c’est-à-dire faire le sacrifice ensemble, ou μετεῖναι ἱέρων καὶ ὁσιῶν.