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LIVRE III. LA CITÉ.

c’était rompre l’ordre que la religion avait établi pour la succession des biens et la transmission du culte ; aussi le testament devait-il, à l’origine, être autorisé par le pontife. Comme les limites de toute propriété étaient marquées par la religion, dès que deux voisins étaient en litige, ils devaient plaider devant le pontife ou devant des prêtres qu’on appelait frères arvales. Voilà pourquoi les mêmes hommes étaient pontifes et jurisconsultes ; droit et religion ne faisaient qu’un[1].

À Athènes, l’archonte et le roi avaient à peu près les mêmes attributions judiciaires que le pontife romain[2].

Le mode de génération des lois anciennes apparaît clairement. Ce n’est pas un homme qui les a inventées. Solon, Lycurgue, Minos, Numa ont pu mettre en écrit les lois de leurs cités ; ils ne les ont pas faites. Si nous entendons par législateur un homme qui crée un code par la puissance de son génie et qui l’impose aux autres hommes, ce législateur n’exista jamais chez les anciens. La loi antique ne sortit pas non plus des votes du peuple. La pensée que le nombre des suffrages pouvait faire une loi, n’apparut que fort tard dans les cités, et seulement après que deux révolutions les avaient transformées. Jusque-là les lois se présentent comme quelque chose d’antique, d’immuable, de vénérable. Aussi vieilles que la cité, c’est le fondateur qui les a posées, en même temps qu’il posait le foyer, moresque viris et mœnia ponit. Il les a instituées en même temps qu’il instituait la religion. Mais encore ne peut-on pas dire qu’il les ait imaginées

  1. Cic., De legib., II, 9 ; II, 19 ; De arusp. resp., 7. Denys, II, 73. Tacite, Ann., I, 10 ; Hist., I, 15. Dion Cassius, XLVIII, 44. Pline, Hist. Nat., XVIII, 2. Aulu-Gelle, V, 19 ; XV, 27.
  2. Pollux, VIII, 90.