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LIVRE III. LA CITÉ.

lui qui égorgeait la victime et qui attirait sur l’armée la protection des dieux. Il était bien naturel qu’un homme armé d’une telle puissance fût accepté et reconnu comme chef. De ce que la religion se mêlait au gouvernement, à la justice, à la guerre, il résulta nécessairement que le prêtre fut en même temps magistrat, juge, chef militaire. « Les rois de Sparte, dit Aristote, ont trois attributions : ils font les sacrifices, ils commandent à la guerre, et ils rendent la justice[1]. » Denys d’Halicarnasse s’exprime dans les mêmes termes au sujet des rois de Rome.

Les règles constitutives de cette monarchie furent très-simples et il ne fut pas nécessaire de les chercher longtemps ; elles découlèrent des règles mêmes du culte. Le fondateur qui avait posé le foyer sacré, en fut naturellement le premier prêtre. L’hérédité était la règle constante, à l’origine, pour la transmission de ce culte ; que le foyer fût celui d’une famille ou qu’il fût celui d’une cité, la religion prescrivait que le soin de l’entretenir passât toujours du père au fils. Le sacerdoce fut donc héréditaire et le pouvoir avec lui[2].

Un trait bien connu de l’ancienne histoire de la Grèce prouve d’une manière frappante que la royauté appartint, à l’origine, à l’homme qui avait posé le foyer de la cité. On sait que la population des colonies ioniennes ne se composait pas d’Athéniens, mais qu’elle était un mélange de Pélasges, d’Éoliens, d’Abantes, de Cad-

  1. Aristote, Polit., III, 9.
  2. Nous ne parlons ici que du premier âge des cités. On verra plus loin qu’il vint un temps où l’hérédité cessa d’être la règle. À Rome la royauté ne fut jamais héréditaire ; cela tient à ce que Rome est de fondation relativement récente et date d’une époque où le pouvoir royal était attaqué et amoindri presque partout.