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CH. IX. LE ROI.

chyle, les filles de Danaüs s’adressent au roi d’Argos en ces termes : « Tu es le prytane suprême, et c’est toi qui veilles sur le foyer de ce pays[1]. » Dans Euripide, Oreste meurtrier de sa mère dit à Ménélas : « Il est juste que, fils d’Agamemnon, je règne dans Argos ; » et Ménélas lui répond : « Es-tu donc en mesure, toi meurtrier, de toucher les vases d’eau lustrale pour les sacrifices ? Es-tu en mesure d’égorger les victimes[2] ? » La principale fonction d’un roi était donc d’accomplir les cérémonies religieuses. Un ancien roi de Sicyone fut déposé, parce que, sa main ayant été souillée par un meurtre, il n’était plus en état d’offrir les sacrifices[3]. Ne pouvant plus être prêtre, il ne pouvait plus être roi.

Homère et Virgile nous montrent les rois occupés sans cesse de cérémonies sacrées. Nous savons par Démosthènes que les anciens rois de l’Attique faisaient eux-mêmes tous les sacrifices qui étaient prescrits par la religion de la cité, et par Xénophon que les rois de Sparte étaient les chefs de la religion lacédémonienne[4]. Les lucumons étrusques étaient à la fois des magistrats, des chefs militaires et des pontifes[5].

Il n’en fut pas autrement des rois de Rome. La tradition les représente toujours comme des prêtres. Le premier fut Romulus, qui était instruit dans la science augurale et qui fonda la ville suivant des rites religieux. Le second fut Numa : « Il remplissait, dit Tite-Live, la plupart des fonctions sacerdotales ; mais il prévit que ses successeurs, ayant souvent des guerres à soutenir, ne pourraient pas toujours vaquer au soin des sacrifices, et

  1. Eschyle, Suppl., 371 (357).
  2. Euripide, Oreste, 1605.
  3. Nicolas de Damas, dans les Fragm. des hist. grecs, t. III, p. 394.
  4. Démosth., contre Néère. Xénophon, Gouv. de Lacéd., 13.
  5. Virgile, X, 175. Tite-Live, V, 1. Censorinus, 4.