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CH. VII. LA RELIGION DE LA CITÉ.

Dans telle ville, il fallait que le pain fût placé dans des corbeilles de cuivre ; dans telle autre, on ne devait employer que des vases de terre. La forme même des pains était immuablement fixée[1]. Ces règles de la vieille religion ne cessèrent jamais d’être observées, et les repas sacrés gardèrent toujours leur simplicité primitive. Croyances, mœurs, état social, tout changea ; ces repas demeurèrent immuables. Car les Grecs furent toujours très-scrupuleux observateurs de leur religion nationale.

Il est juste d’ajouter que lorsque les convives avaient satisfait à la religion en mangeant les aliments prescrits, ils pouvaient, immédiatement après, commencer un autre repas plus succulent et mieux en rapport avec leur goût. C’était assez l’usage à Sparte[2].

La coutume des repas sacrés était en vigueur en Italie autant qu’en Grèce. Aristote dit qu’elle existait anciennement chez les peuples qu’on appelait Œnotriens, Osques, Ausones[3]. Virgile en a consigné le souvenir, par deux fois, dans son Énéide ; le vieux Latinus reçoit les envoyés d’Énée, non pas dans sa demeure, mais dans un temple « consacré par la religion des ancêtres ; là ont lieu les festins sacrés après l’immolation des victimes ; là tous les chefs de famille s’asseyent ensemble à de longues tables. » Plus loin, quand Énée arrive chez Évandre, il le trouve célébrant un sacrifice ; le roi est au milieu de son peuple ; tous sont couronnés de fleurs ; tous, assis à la même table, chantent un hymne à la louange du dieu de la cité.

Cet usage se perpétua à Rome. Il y eut toujours une salle où les représentants des curies mangèrent en com-

  1. Athénée, I, 58 ; IV, 32 ; XI, 66.
  2. Athénée, IV, 19 ; IV, 20.
  3. Aristote, Pol., IV, 9, 3.