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LIVRE III. LA CITÉ.

des Romains. Dans ce poëme ils se voyaient, eux, leur fondateur, leur ville, leurs institutions, leurs croyances, leur empire. Car sans ces dieux la cité romaine n’existerait pas[1].


CHAPITRE VI.

LES DIEUX DE LA CITÉ.

Il ne faut pas perdre de vue que, chez les anciens, ce qui faisait le lien de toute société c’était un culte. De même qu’un autel domestique tenait groupés autour de lui les membres d’une famille, de même la cité était la réunion de ceux qui avaient les mêmes dieux protecteurs et qui accomplissaient l’acte religieux au même autel.

Cet autel de la cité était renfermé dans l’enceinte d’un bâtiment que les Grecs appelaient prytanée et que les Romains appelaient temple de Vesta[2].

Il n’y avait rien de plus sacré dans une ville que cet autel, sur lequel le feu sacré était toujours entretenu. Il est vrai que cette grande vénération s’affaiblit de bonne heure en Grèce, parce que l’imagination grecque se

  1. Nous n’avons pas à examiner ici si la légende d’Énée répond à un fait réel ; il nous suffit d’y voir une croyance. Elle nous montre ce que les anciens se figuraient par un fondateur de ville, quelle idée ils se faisaient du penatiger, et pour nous c’est là l’important. Ajoutons que plusieurs villes, en Thrace, en Crète, en Épire, à Cythère, à Zacynthe, en Sicile, en Italie, croyaient avoir été fondées par Énée et lui rendaient un culte.
  2. Le prytanée contenait le foyer commun de la cité ; Denys d’Hal., II, 23. Pollux, I, 7. Sclioliaste de Pindare, Ném., XI. Scholiaste de Thucydide, II, 15. Il y avait un prytanée dans toute ville grecque : Hérodote, III, 57 ; V, 67 ; VII, 197. Polybe, XXIX, 5. Appien, G. de Mithr., 23 ; G. puniq., 84. Diodore, XX, 101. Cic., De signis, 53. Denys, II, 65. Pausanias, I, 42 ; V, 25 ; VIII, 9. Athénée, I, 58 ; X, 24. Bœckh, Corp. inscr., 1193. À Rome, le temple de Vesta n’était pas autre chose qu’un foyer : Cic., De legib., II, 8 ; II, 12. Ovide, Fast., VI, 297. Florus, I, 2. Tite-Live, XXVIII, 31.