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LIVRE III. LA CITÉ.

sacrée et s’étendant autour d’un autel, elle était le domicile religieux qui recevait les dieux et les hommes de la cité. Tite-Live disait de Rome : « Il n’y a pas une place dans cette ville qui ne soit imprégnée de religion et qui ne soit occupée par quelque divinité… Les dieux l’habitent. » Ce que Tite-Live disait de Rome, tout homme pouvait le dire de sa propre ville ; car, si elle avait été fondée suivant les rites, elle avait reçu dans son enceinte des dieux protecteurs qui s’étaient comme implantés dans son sol et ne devaient plus le quitter. Toute ville était un sanctuaire ; toute ville pouvait être appelée sainte[1].

Comme les dieux étaient pour toujours attachés à la ville, le peuple ne devait pas non plus quitter l’endroit où ses dieux étaient fixés. Il y avait à cet égard un engagement réciproque, une sorte de contrat entre les dieux et les hommes. Les tribuns de la plèbe disaient un jour que Rome, dévastée par les Gaulois, n’était plus qu’un monceau de ruine, qu’à cinq lieues de là il existait une ville toute bâtie, grande et belle, bien située, et vide d’habitants depuis que les Romains en avaient fait la conquête, qu’il fallait donc laisser là Rome détruite et se transporter à Veii. Mais le pieux Camille leur répondit : « Notre ville a été fondée religieusement ; les dieux mêmes en ont marqué la place et s’y sont établis avec nos pères. Toute ruinée qu’elle est, elle est encore la demeure de nos dieux nationaux. » Les Romains restèrent à Rome.

Quelque chose de sacré et de divin s’attachait naturellement à ces villes que les dieux avaient élevées[2] et

  1. Ἵλιος ἵρη, ἵεραι Αθῆναι (Aristoph., Chev., 1319), Λακεδαίμονι δίῃ (Théognis, v. 837) ; ἵεραν πόλιν dit Théognis en parlant de Mégare.
  2. Neptunia Troja, θεόδμητοι Αθῆναι. Voy. Théognis, 755 (Welcker).