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LIVRE III. LA CITÉ.

tourée de ses branches cadettes et de ses clients, occupait un canton et y vivait dans une indépendance absolue. Chacune avait sa religion propre : les Eumolpides, fixés à Éleusis, adoraient Déméter ; les Cécropides, qui habitaient le rocher où fut plus tard Athènes, avaient pour divinités protectrices Poséidon et Athéné. Tout à côté, sur la petite colline fut l’Aréopage, le dieu protecteur était Arès ; à Marathon c’était un Hercule, à Prasies un Apollon, un autre Apollon à Phlyes, les Dioscures à Céphale et ainsi de tous les autres cantons[1].

Chaque famille, comme elle avait son dieu et son autel, avait aussi son chef. Quand Pausanias visita l’Attique, il trouva dans les petits bourgs d’antiques traditions qui s’étaient perpétuées avec le culte ; or ces traditions lui apprirent que chaque bourg avait eu son roi avant le temps où Cécrops régnait à Athènes[2]. N’était-ce pas le souvenir d’une époque lointaine où ces grandes familles patriarcales, semblables aux clans celtiques, avaient chacune son chef héréditaire, qui était à la fois prêtre et juge ? Une centaine de petites sociétés vivaient donc isolées dans le pays, ne connaissant entre elles ni lien religieux ni lien politique, ayant chacune son territoire, se faisant souvent la guerre, étant enfin à tel point séparées les unes des autres que le mariage entre elles n’était pas toujours réputé permis[3].

Mais les besoins ou les sentiments les rapprochèrent. Insensiblement elles s’unirent en petits groupes, par quatre, par cinq, par six. Ainsi nous trouvons dans les traditions que les quatre bourgs de la plaine de Marathon s’associèrent pour adorer ensemble Apollon Del-

  1. Pausanias, I, 15 ; I, 31 ; I, 37 ; II, 18.
  2. Pausanias, I, passim.
  3. Plutarque, Thésée, 13.