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CH. X. LA GENS À ROME ET EN GRÈCE.

vis, ce fut un usage et même une nécessité que la gens entière répondît de la dette d’un de ses membres, et qu’elle payât la rançon du prisonnier ou l’amende du condamné. Toutes ces règles s’étaient établies d’elles-mêmes lorsque la gens avait encore son unité ; quand elle se démembra, elles ne purent pas disparaître complétement. De l’unité antique et sainte de cette famille il resta des marques persistantes dans le sacrifice annuel qui en rassemblait les membres épars, dans le nom qui leur restait commun, dans la législation qui leur reconnaissait des droits d’hérédité, dans les mœurs qui leur enjoignaient de s’entr’aider.

4o  La famille (gens) a été d’abord la seule forme de société.

Ce que nous avons vu de la famille, sa religion domestique, les dieux qu’elle s’était faits, les lois qu’elle s’était données, le droit d’aînesse sur lequel elle s’était fondée, son unité, son développement d’âge en âge jusqu’à former la gens, sa justice, son sacerdoce, son gouvernement intérieur, tout cela porte forcément notre pensée vers une époque primitive où la famille était indépendante de tout pouvoir supérieur, et où la cité n’existait pas encore.

Que l’on regarde cette religion domestique, ces dieux qui n’appartenaient qu’à une famille et n’exerçaient leur providence que dans l’enceinte d’une maison, ce culte qui était secret, cette religion qui ne voulait pas être propagée, cette morale qui ignorait la charité et prescrivait l’isolement : il est manifeste que des croyances de cette nature n’ont pu prendre naissance dans les esprits des hommes qu’à une époque où les grandes sociétés