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CH. VIII. L’AUTORITÉ DANS LA FAMILLE.

puissance paternelle, ce qui prouve qu’il n’était pas considéré comme sorti de la famille. On peut croire que cette vente n’avait d’autre effet que d’aliéner pour un temps la possession du fils par une sorte de contrat de louage. Plus tard elle ne fut usitée que comme un moyen détourné d’arriver à l’émancipation du fils.

III. Plutarque nous apprend qu’à Rome les femmes ne pouvaient pas paraître en justice, même comme témoins[1]. On lit dans le jurisconsulte Gaius : « Il faut savoir qu’on ne peut rien céder en justice aux personnes qui sont en puissance, c’est-à-dire à la femme, au fils, à l’esclave. Car de ce que ces personnes ne pouvaient rien avoir en propre on a conclu avec raison qu’elles ne pouvaient non plus rien revendiquer en justice. Si votre fils, soumis à votre puissance, a commis un délit, l’action en justice est donnée contre vous. Le délit commis par un fils contre son père ne donne lieu à aucune action en justice[2]. » De tout cela il résulte clairement que la femme et le fils ne pouvaient être ni demandeurs, ni défendeurs, ni accusateurs, ni accusés, ni témoins. De toute la famille, il n’y avait que le père qui pût paraître devant le tribunal de la cité ; la justice publique n’existait que pour lui.

Si la justice, pour le fils et la femme, n’était pas dans la cité, c’est qu’elle était dans la maison. Leur juge était le chef de famille, siégeant comme sur un tribunal, en vertu de son autorité maritale ou paternelle, au nom de la famille et sous les yeux des divinités domestiques[3].

  1. Plutarque, Publicola, 8.
  2. Gaius, II, 96 ; IV, 77, 78.
  3. Il vint un temps où cette juridiction fut modifiée par les mœurs ; le père consulta la famille entière et l’érigea en un tribunal qu’il présidait. Tacite, XIII, 32. Digeste, XXIII, 4, 5. Platon, Lois, IX.