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LIVRE II. LA FAMILLE.

L’ancien droit de Rome est pour nous très-obscur ; il l’était déjà pour Cicéron. Ce que nous en connaissons ne remonte guère plus haut que les Douze-Tables, qui ne sont assurément pas le droit primitif de Rome, et dont il ne nous reste d’ailleurs que quelques débris. Ce code autorise le testament ; encore le fragment qui est relatif à cet objet, est-il trop court et trop évidemment incomplet pour que nous puissions nous flatter de connaître les vraies dispositions du législateur en cette matière ; en accordant la faculté de tester, nous ne savons pas quelles réserves et quelles conditions il pouvait y mettre[1]. Avant les Douze-Tables nous n’avons aucun texte de loi qui interdise ou qui permette le testament. Mais la langue conservait le souvenir d’un temps où il n’était pas connu ; car elle appelait le fils héritier sien et nécessaire. Cette formule que Gaius et Justinien employaient encore, mais qui n’était plus d’accord avec la législation de leur temps, venait sans nul doute d’une époque lointaine où le fils ne pouvait ni être déshérité ni refuser l’héritage. Le père n’avait donc pas la libre disposition de sa fortune. À défaut de fils et si le défunt n’avait que des collatéraux, le testament n’était pas absolument inconnu, mais il était fort difficile. Il y fallait de grandes formalités. D’abord le secret n’était pas accordé au testateur de son vivant ; l’homme qui déshéritait sa famille et violait la loi que la religion avait établie, devait le faire publiquement, au grand jour, et assumer sur lui de son vivant tout l’odieux qui s’attachait à un tel acte. Ce n’est pas tout ; il fallait encore que

  1. Uti legassit, ita jus esto. Si nous n’avions de la loi de Solon que les mots διάθεσθαι ὅπως ἂν ἐθέλῃ, nous supposerions aussi que le testament était permis dans tous les cas possibles ; mais la loi ajoute ἂν μὴ παῖδες ὦσι.