Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
LIVRE II. LA FAMILLE.

trer qu’en renonçant à la famille d’adoption ; et il ne peut sortir de celle-ci qu’à deux conditions : l’une est qu’il abandonne le patrimoine de cette famille ; l’autre est que le culte domestique, pour la continuation duquel il a été adopté, ne cesse pas par son abandon ; et pour cela, il doit laisser dans cette famille un fils qui le remplace. Ce fils prend le soin du culte et la possession des biens ; le père alors peut retourner à sa famille de naissance et hériter d’elle. Mais ce père et ce fils ne peuvent plus hériter l’un de l’autre ; ils ne sont pas de la même famille, ils ne sont pas parents[1].

On voit bien quelle était la pensée du vieux législateur quand il établissait ces règles si minutieuses. Il ne jugeait pas possible que deux héritages fussent réunis sur une même tête, parce que deux cultes domestiques ne pouvaient pas être servis par la même main.

5o Le testament n’était pas connu à l’origine.

Le droit de tester, c’est-à-dire de disposer de ses biens après sa mort pour les faire passer à d’autres qu’à l’héritier naturel, était en opposition avec les croyances religieuses qui étaient le fondement du droit de propriété et du droit de succession. La propriété étant inhérente au culte, et le culte étant héréditaire, pouvait-on songer au testament ? D’ailleurs la propriété n’appartenait pas à l’individu mais à la famille ; car l’homme ne l’avait pas acquise par le droit du travail, mais par le culte domestique. Attachée à la famille, elle se transmettait du mort au vivant, non d’après la volonté et le choix du

  1. Isée, X. Démosth., passim. Gaius, III, 2. Institutes, III, 1, 2. Il n’est pas besoin d’avertir que ces règles furent modifiées dans le droit prétorien.