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CH. VII. LE DROIT DE SUCCESSION.

« qui accordait toujours la préférence à la postérité masculine et excluait de l’héritage ceux qui n’étaient liés au défunt que par les femmes[1]. » Droit inique, si l’on veut, car il ne tenait pas compte de la nature ; mais droit singulièrement logique, car partant du principe que l’héritage était lié au culte, il écartait de l’héritage ceux que la religion n’autorisait pas à continuer le culte.

4o  Effets de l’émancipation et de l’adoption.

Nous avons vu précédemment que l’émancipation et l’adoption produisaient pour l’homme un changement de culte. La première le détachait du culte paternel, la seconde l’initiait à la religion d’une autre famille. Ici encore le droit ancien se conformait aux règles religieuses. Le fils qui avait été exclu du culte paternel par l’émancipation, était écarté aussi de l’héritage. Au contraire l’étranger qui avait été associé au culte d’une famille par l’adoption, y devenait un fils, y continuait le culte et héritait des biens. Dans l’un et l’autre cas, l’ancien droit tenait plus de compte du lien religieux que du lien de naissance.

Comme il était contraire à la religion qu’un même homme eût deux cultes domestiques, il ne pouvait pas non plus hériter de deux familles. Aussi le fils adoptif, qui héritait de la famille adoptante, n’héritait-il pas de sa famille naturelle. Le droit athénien était très-explicite sur cet objet. Les plaidoyers des orateurs attiques nous montrent souvent des hommes qui ont été adoptés dans une famille et qui veulent hériter de celle où ils sont nés. Mais la loi s’y oppose. L’homme adopté ne peut hériter de sa propre famille qu’en y rentrant ; il n’y peut ren-

  1. Ibid., III, 3.