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Cette théorie ne s’est pas arrêtée à l’abbé Dubos. On la retrouve, très adoucie à la vérité, chez plusieurs érudits de notre siècle[1]. Il y a seulement chez eux cette contradiction qu’après avoir reconnu une sorte de fief militaire chez les Romains, ils professent ensuite que la féodalité vient d’usages germaniques.

Or l’existence de bénéfices militaires et presque de fiefs chez les Romains n’est pas un fait qu’il suffise de pallier et d’amoindrir. Si elle est prouvée, elle est la source ou au moins l’une des sources du régime féodal. Dès que le bénéfice militaire ou le fief a existé dans l’Empire, n’y eût-il tenu qu’une très petite place, il peut avoir été le germe d’où la féodalité est sortie. Il serait possible que, d’une institution purement locale et exceptionnelle, les Germains eussent fait une institution générale et maîtresse. Il n’en serait pas moins important de constater que la première origine en fût dans l’Empire, et l’on devrait admettre que les empereurs romains ont institué les bénéfices militaires, desquels sont venus les bénéfices mérovingiens et les fiefs. Il faut voir si le fait est vrai, et pour cela examiner les textes desquels on a cru qu’il se dégageait.

1o Lampride, après avoir signalé quelques guerres en Mauritanie, dans l’Illyricum et en Arménie, dit que les terres prises sur l’ennemi furent données par l’empereur aux généraux et aux soldats des corps qui gar-

    taires » à propos du texte de saint Augustin; mais il suit Dubos de très près; cf. p. 49.]

  1. Serrigny, Droit public et administratif romain, t. I, p. 365–372; C. Dareste de la Chavanne, Histoire des classes agricoles, p. 68–71; Révillout, Étude sur le colonat, dans la Revue historique du Droit, t. III. 1857, p. 213; M. Garsonnet compare aussi ces concessions à des fiefs, Histoire des locations perpétuelles, p. 165, sans dire pour cela que les fiefs en viennent.