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par deux côtés. Nous avons observé [dans le précédent volume] quel régime de propriété elle pratiquait, et nous avons vu successivement le droit de propriété qu’on appelait alleu, l’organisme rural qu’on appelait villa, l’élément de tenure ou manse, les divers modes de tenure et les différentes classes d’hommes, le proprietaire, le colon, l’esclave, l’affranchi. Nous avions examiné [auparavant], de la même époque et de la même société, les institutions politiques, et nous avons passé en revue la royauté, le pouvoir législatif des rois, les assemblées des Grands, le Palais, l’administration par les comtes et les autres fonctionnaires, les impôts, la justice, la situation faite à l’épiscopat.

Ces deux séries d’études nous conduisaient au régime féodal. Bien qu’aucun des faits sociaux et politiques que nous rencontrions n’eût par lui-même un caractère féodal, il n’en est presque aucun qui ne dût avoir plus tard un rapport étroit avec la féodalité. En effet, cette organisation de la propriété, cette villa, ce manse, le droit si incontesté et si étendu du propriétaire, ces divers modes de tenure, ce colonat et ce servage, tout cela devait se continuer sous la féodalité. Il en est de même des institutions politiques. Cette royauté, ce principe monarchique ne devaient nullement être atteints par le régime féodal; cet entourage des rois et ces assemblées des grands se retrouveront dans la féodalité; les attributions des comtes-fonctionnaires des Mérovingiens expliquent les pouvoirs des ducs et comtes féodaux. Les institutions que nous avons constatées se prolongeront à travers tous les siècles suivants. La féodalité ne les détruira pas; à peine en amoindrira-t-elle quelques-unes; elle se les appropriera plutôt. Rien ne se perdra donc, ou presque rien, de ce que nous avons vu s’établir. Ces institutions sont le terrain solide et résistant sur lequel se construira la féodalité.

C’est la féodalité que nous nous proposons d’étudier maintenant.

Nous ne la prendrons pas tout de suite dans sa pleine vigueur. Nous chercherons d’abord comment elle s’est for-