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le service militaire qu’à lui au lieu de les devoir au roi ; en sorte que chaque terre prise en elle-même semble un petit État.

3o Ces seigneurs dépendent, non pas tous également du roi, mais les uns des autres ; et cette dépendance vient de ce que chacun d’eux a reçu sa seigneurie d’un autre : fait qu’il avoue formellement à chaque génération nouvelle. Ainsi chacun tient sa terre d’un autre et lui est assujetti pour ce motif. De là toute une hiérarchie de vassaux et de suzerains qui remonte jusqu’au roi.

En résumé, possession conditionnelle du sol à la place de la propriété, assujettissement des hommes au seigneur à la place de l’obéissance au roi, et hiérarchie des seigneurs entre eux par le lien du fief et de l’hommage, voilà les trois traits caractéristiques qui distinguent le régime féodal de tout autre régime.

Donc l’historien qui veut s’expliquer comment la Gaule est passée du régime romain au régime féodal, doit passer en revue chaque génération d’hommes et il doit chercher si elle lui présente ces trois traits ou l’un des trois. Puisqu’il ne sait pas à l’avance la date originelle de ce régime, il doit commencer son étude à la dernière génération soumise au régime romain et continuer ainsi jusqu’à ce que le changement apparaisse à ses yeux. Puisqu’il n’en sait pas d’avance la cause, il ne doit pas se contenter d’étudier tel ou tel ordre de faits ; il doit observer attentivement tous les faits, toutes les institutions, toutes les règles de droit public ou privé, toutes les habitudes de la vie domestique, et particulièrement tout ce qui se rapporte à la possession du sol. Il doit étudier toutes ces choses avec une attention également scrupuleuse, parce qu’il ne sait pas à l’avance de quel côté lui viendra la lumière. Cette méthode est longue, mais c’est la seule qui soit sûre. Ce n’est pas la méthode du doctrinaire, mais c’est la méthode du chercheur.


Nous n’avons encore étudié la société mérovingienne que