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souvenirs d’une actrice.

comme je l’ai dit, coûtait cinquante francs la livre ; il était plus rare encore qu’à Paris. Je me rappelle que, lorsque je venais dîner chez madame Talma, elle me disait en entrant :

« Apportes-tu ton pain ? »

Lorsque j’avais l’étourderie de l’oublier, le poète Lebrun, Bitaubé ou Fenouillot de Falbert, me faisaient une petite part du leur, et j’avais vraiment honte de l’accepter ; mais à Bordeaux on n’était point aussi hospitalier. Cependant d’aimables muscadins (comme on les appelait alors) nous apportaient de temps en temps un morceau de pain blanc soigneusement enveloppé dans du papier, et cela s’acceptait comme on accepte des oranges, des bonbons ou des fleurs. Je m’attendais qu’on finirait par nous offrir des pommes de terre ou des oignons. Si les poètes lauréats avaient pu trouver là-dessus le sujet d’un madrigal ou d’un bouquet à Chloris, il aurait fallu qu’ils eussent l’imagination bien vive.

Jusqu’à cette époque j’avais peu joué la comédie, si ce n’est au Théâtre de la République, où je m’étais essayée dans ce genre ; je n’étais donc connue