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souvenirs d’une actrice.

— Je croyais qu’ils seraient seulement enfermés jusqu’à la paix, repris-je.

— Du tout ; la loi sur les émigrés est précise. Il n’en manque pas ici : c’est le foyer de l’émigration.

Je fus fort effrayée, et il me sembla que je me ferais un reproche toute ma vie, s’il leur arrivait malheur. J’écrivis au crayon, sur un petit morceau de papier : « Ne restez pas ici, vous seriez arrêtés. »

À la nuit tombante, nous les rencontrâmes sur la grève, où nous nous promenions tous les soirs. Je glissai ce papier à celui qui passait le plus près de moi, en lui faisant un signe de garder le silence ; il parut surpris, mais je vis qu’il cachait mon papier. Sans doute qu’ils profitèrent de l’avis, car, à mon grand contentement, je ne les revis plus. On pouvait encore échapper alors : un peu plus tard cela devint très difficile. Combien de fois, depuis, je me suis félicitée d’avoir pris sur moi de faire cette démarche, surtout lorsqu’on arrêta ce malheureux M.  de Fla-