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souvenirs d’une actrice.

mort. » Marchenna se chargeait de ce soin. Marchenna était un Espagnol passionné pour la liberté : il avait eu la singulière idée de venir la chercher en France, où il n’avait pas tardé à être proscrit comme ami des Girondins. Il était intimement lié avec Souque[1], et Riouffe dont la gaieté ne s’est jamais démentie, quoiqu’il fût certain du sort qui l’attendait, car il pouvait être envoyé à l’échafaud d’un moment à l’autre. C’était lui qui nous disait : « Je suis venu par les rues détournées, parce que la guillotine court après le monde. »

Ils avaient obtenu tous les deux de rester libres, sous la surveillance d’un gendarme qui ne les quittait jamais ; l’on accordait assez facilement cette faveur, car l’on savait toujours où vous prendre en cas de besoin, et d’ailleurs il était impossible de s’enfuir ni de se cacher.

Riouffe faisait la cour à toutes les femmes ; il prétendait qu’un homme à moitié condamné ne devait point trouver de cruelles, car ça le rendait intéressant, et qu’une conversation d’amour, un tête-à-tête

  1. L’auteur du Chevalier de Canole.