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souvenirs d’une actrice.

de la patrie, on criait : « A genoux ! » et il eût été dangereux de ne pas se conformer à cet ordre. Les chants peignent les époques. Je me rappelle un couplet chanté dans une pièce du Vaudeville où l’on inaugurait les bustes de Marat et de Lepelletier. Le voici :

Ces martyrs de la Liberté,
Patriotes sincères,
Chez l’ami de l’égalité,
Sont des dieux qu’on révère.
Mais les modérés doucereux,
Les aristocrates peureux,
Sans les aimer, les ont chez eux,
Comme un paratonnerre.

C’est dans ce même temps qu’on faisait des visites domiciliaires. Un détachement du comité révolutionnaire de la section, se trouvant de service pour une de ces visites, chez mademoiselle Arnould, aperçut le buste de Marat coiffé d’un turban.

« Tiens, t’as Marat, t’es donc une bonne patriote, toi ? »

Ces visites se faisaient la nuit, et l’on peut penser que l’on avait grand soin de brûler tous les papiers qui pouvaient paraître le moins du monde suspects.