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souvenirs d’une actrice.

vre, après sa mort, j’allai loger chez une veuve qui avait recueilli beaucoup de Français, hommes et femmes, et qui presque tous étaient dans un état déplorable. Ma santé ne s’étant point ressentie de tant de peines et de fatigues, je secourais ceux qui, plus malheureux que moi, étaient malades. Un officier, témoin des soins que je leur prodiguais, me parla d’un enfant que l’on croyait encore vivant, quoique ceux qui l’entouraient fussent morts de fatigue ou de faim.

Cet officier m’en fit un récit déchirant : « Ah ! monsieur, courons-y, lui dis-je. » Nous fûmes bientôt aux portes de la ville. Je ne puis me représenter ce tableau sans frémir. Je pris l’enfant dans mon manteau et me sauvai avec tant de vitesse, que mon compagnon pouvait à peine me suivre. J’avais peu d’espérance de rappeler cette petite créature à la vie ; cependant j’eus le bonheur de lui voir reprendre un peu de chaleur, grâce aux soins du docteur Desgenettes. Elle n’était qu’engourdie par le froid. Il fallait de grands ménagements pour lui faire prendre de la nourriture, car elle avait dû souffrir long-temps de la faim. On fut obligé d’accoutumer