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souvenirs d’une actrice.

dans le plus grand désordre. M. le comte de Kasakoska étant au service de Napoléon, s’apprêtait à quitter Vilna ; nous ne pûmes trouver un domestique pour nous donner à manger et nous faire du feu. Le froid était à vingt-huit degrés, nous passâmes une nuit affreuse.

Je voyais d’après l’agitation qui régnait sur les visages, qu’on ne resterait pas long-temps dans la ville. Le fils de M. le duc de Dantzick était blessé, et hors d’état d’être transporté ; son malheureux père était à tout moment obligé de le quitter pour aller donner des ordres. Il revint enfin le soir nous apprendre que l’on allait partir, et il écrivit au général russe qui commandait les avant-postes que, forcé de laisser son fils dans la ville, il se fiait à sa loyauté, pour le traiter en ennemi généreux. Ses yeux étaient mouillés de larmes : « M. le maréchal, lui dis-je, toute émue, je resterai près de votre fils, et j’en aurai les soins d’une mère. » Il me fit de vifs remerciements et accepta ma proposition.

Je pressentais bien les nouveaux dangers que nous allions courir ; mais je voulus lui faire ce sacrifice.