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souvenirs d’une actrice.

faim, nous demandant à manger, les autres mourant de froid, suppliant qu’on les prit dans la voiture et implorant des secours qu’on ne pouvait leur donner : ils étaient en si grand nombre ! Ceux qui suivaient l’armée nous priaient de prendre des enfants qu’ils n’avaient plus la force de porter : c’était une scène de désolation ; on souffrait de ses maux et de ceux des autres.

Lorsque nous fûmes en vue de Krasnoï, le cocher me dit que les chevaux ne pouvaient plus aller. Je descendis, espérant trouver le quartier-général dans la ville. Il commençait à faire petit jour. Je suivis le chemin que prenaient les soldats, et j’arrivai à une pente extrêmement rapide ; c’était comme une montagne de glace que les soldats descendaient en glissant sur leurs genoux. N’ayant pas envie d’en faire autant, je pris un détour et j’arrivai sans accident. Je demandai à un officier le quartier-général. « Je crois qu’il est encore ici, me dit-il, mais il n’y sera pas long-temps, car la ville commence à brûler. »

Le feu gagnait d’autant plus rapidement que cette petite ville était en bois, et les rues extrêmement