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souvenirs d’une actrice.

sans force, n’ayant pas mangé de la journée. Me voilà donc à cheval à minuit, ne possédant plus rien que ce que j’avais sur moi, ne sachant quel chemin suivre et mourant de froid. À deux heures du matin nous atteignîmes une colonne qui traînait des pièces de canon : c’était le samedi 11.

Je demandai à l’officier qui la commandait si nous avions loin pour rejoindre le quartier-général. « Ah ! vous pouvez être tranquille, me dit-il avec humeur, nous ne le rejoindrons pas, car si nous ne sommes pas pris cette nuit, nous le serons demain matin : nous ne pouvons l’échapper. » Ne sachant plus par où il pourrait passer, il fit faire halte à sa troupe. Les soldats voulurent allumer du feu pour se chauffer, mais il s’y opposa en leur disant que leurs feux les feraient découvrir par l’ennemi. Je descendis de cheval et fus m’asseoir sur un monceau de paille qu’on avait mis sur la neige. J’éprouvai là un moment de découragement.

Le cocher ayant ramené la voiture, nous marchâmes fort lentement toute la nuit, à la lueur des villages incendiés, et au bruit du canon. Je voyais sortir des rangs de malheureux blessés ; les uns exténués de