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souvenirs d’une actrice.

position que la veille ; on criait de tous les côtés : « Cette calèche empêche de passer ; il faut la brûler. » Les soldats, qui ne demandaient pas mieux, parce que les voitures étaient alors pillées, criaient aussi : « Brûlez ! brûlez ! » Quelques officiers, enfin, eurent pitié de moi, et s’écrièrent : « Allons, des soldats aux roues. »

On s’y mit en effet, et eux-mêmes eurent la bonté de les pousser. Lorsque nous fûmes arrivés à l’autre bout du pont, le gendarme vint à moi. Je n’osais lui proposer de l’argent, car c’était la chose dont on faisait le moins de cas, et je n’avais pas d’eau-de-vie, encore moins de pain. « Mon Dieu ! lui dis-je, monsieur le gendarme, je ne sais comment reconnaître… — Ah ! madame, la femme du général… Madame la générale a tant de moyens… Qu’elle me permette de me réclamer d’elle. — Vous le pouvez, monsieur le gendarme, lui dis-je en riant, » et il s’en fut bien content.

J’examinais le spectacle bizarre que présentait cette malheureuse armée. Chaque soldat avait emporté ce qu’il avait pu du pillage : Les uns couverts d’un cafetan de Mougick ou de la robe courte et doublée