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député se leva du balcon où il était placé, en criant au parterre : « Le sang des conspirateurs ! » et il jeta sa carte de député au public, auquel il adressa un long discours sur l’inconvenance de ce vers, ajoutant que l’auteur ne pouvait être qu’un mauvais citoyen, et qu’il le signalait comme tel[1]. On regarda dès-lors Chénier comme un homme proscrit, et tout le monde s’éloigna de lui. Quelques amis et les femmes, qu’on trouve toujours dans le malheur, ne l’abandonnèrent pas et lui restèrent fidèles.

À cette époque, André Chénier, frère de l’auteur, attendait son jugement d’un jour à l’autre. Si Marie-Joseph Chénier eût tenté la moindre démarche en sa faveur, il n’eût fait qu’avancer sa perte ; on sait d’ailleurs que, dans ces temps malheureux, il n’y avait de salut que pour ceux qu’on oubliait, car les

  1. C’est à cela que Chénier crut faire allusion dans ces vers de son épitre à la Calomnie :

    Proscrit par mes discours, proscrit par mon silence,
    Seul, attendant la mort, quand leur coupable voix
    Demandait à grands cris du sang et non des lois.