Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
souvenirs d’une actrice.

produire cet effet. Mais si j’avais été emmenée à Arras avec les autres, je n’aurais pu parler à Joseph Lebon, et d’ailleurs la terreur de son nom m’aurait causé la même frayeur qu’à tous ces malheureux[1]. Enfin quand je réfléchis à tout ce qui aurait pu m’arriver alors, je suis comme quelqu’un qui regarde un précipice qui devait l’engloutir et auquel il a échappé par miracle. Combien de circonstances dans la vie sont inexplicables et confondent tous les raisonnements.

J’arrivai à Paris à la fin d’octobre 1793 et fort à propos pour chanter les solos dans les chœurs du Timoléon de Chénier, qui devait être joué au Théâtre de la République.

  1. Je me souviens d’une pauvre dame qui s’avança timidement, tenant par la main deux jolies personnes dont les frères étaient émigrés. Elles ne purent obtenir de Joseph qu’une réponse brusque et décourageante. Combien j’aurais voulu pouvoir parler pour elles ! Je me hasardai à dire : « Ce n’est pas leur faute si leurs frères ont émigré. » Joseph Lebon me lança un coup-d’œil foudroyant. Il s’écria : « Mêle-toi de tes affaires. » Ces jeunes personnes se nommaient du Soulier. Je n’ai pas su ce qu’elles sont devenues.