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souvenirs d’une actrice.

une observation à lui faire, un doigté ou un tril à lui montrer, il roulait le piano de la comtesse jusqu’à la portée de sa main, pour ne pas se déranger ; mais tout cela était charmant et amusait beaucoup ces dames : pourvu qu’elles fussent sûres de le posséder, elles lui passaient tout.

Lorsqu’il sortait le matin avec sa voiture (car il avait une voiture), il marchait à côté de son équipage, et son valet de chambre y montait jusqu’à ce qu’il plût à monsieur de le remplacer ; alors Saint-Jean lui disait d’un air grave :

— Chez quelle écolière faut-il conduire monsieur ?

— Où tu voudras, répondait-il en bégayant.

Comme on savait que c’était toujours à peu près le même dialogue, on payait le domestique, afin qu’il se décidât en faveur de telle ou telle famille ; car, une fois qu’il était là, il y passait la journée, et n’allait plus ailleurs. Il arrivait sa pelisse couverte de neige, ayant traîné ses bottes de laine blanche, qu’on appelle bottes de Moscou, et qui sont très chaudes ; jetant tout cela dans l’antichambre, il en-