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souvenirs d’une actrice.

portaient que le matin, dans un très grand négligé, ou chez des amis. Lorsque Fild était forcé d’aller le soir dans un salon, soit pour un concert, soit pour faire entendre une écolière, il arrivait avec ses bas mal tirés ou mis à l’envers (comme le bon Lafontaine), une cravate blanche, dont les deux bouts menaçaient, l’un la terre et l’autre le ciel ; son gilet boutonné de travers et son chapeau sur le haut de la tête, à la Colin ; mais on était tellement accoutumé à ses manières fantasques, qu’on n’y prenait plus garde. Quoiqu’il eût mis ses leçons à un très haut prix, dans l’espoir qu’on y renoncerait, il n’en avait pas moins un grand nombre d’élèves.

La riche comtesse Orloff était une de ses écolières de prédilection, non pour sa grande fortune, car c’était la chose à laquelle il pensait le moins, mais parce qu’elle était la seule qui eût véritablement le sentiment de la musique, et que d’ailleurs il n’était pas obligé de se gêner pour sa toilette : elle le laissait entièrement libre, sachant bien que c’était le seul moyen de le rendre plus exact. Lorsqu’elle jouait avec lui des morceaux à deux pianos, s’il avait