Garat se mettait de la manière la plus recherchée ; il exagérait les modes des dandys d’alors, prononçait les mots à moitié, disait : « ma paole d’honneur, c’est incoyable, » et portait un habit bleu barbot. Il était extrêmement laid, et semblait prendre plaisir à se rendre ridicule ; mais lorsqu’il chantait :
Laissez-vous toucher par mes pleurs,
on ne voyait plus qu’Orphée, et on l’écoutait toujours avec un nouveau plaisir.
Dans le temps qu’on ne pouvait sortir la nuit sans une carte de sûreté, Garat, ayant oublié la sienne, fut arrêté par une patrouille, qui le conduisit au corps-de-garde le plus voisin. Il pensa qu’il lui suffirait de se nommer pour être mis en liberté ; mais les gardes nationaux du poste, qui l’avaient fort bien reconnu, firent semblant, pour s’amuser, de douter qu’il fût véritablement Garat, comme il le disait ; il eut beau protester qu’il était bien lui, ils voulurent toujours avoir l’air de n’en rien croire.